Norme IFRS 18 : Décryptage
L’organisme de normalisation : The International Accounting Standards Board (IASB) a publié la norme IFRS 18 « Presentation and Disclosure in Financial Statements » en Avril 2024. Elle remplace la norme IAS 1, créée en 1975. Or, depuis lors, le contexte économique a plus qu’évolué. Et donc, même si la norme IAS 1 a fait l’objet de nombreuses mises à jour, il s’avère désormais nécessaire de prendre en compte les réalités financières du XX1ème siècle.
Origines de la norme IFRS 18
En français, la norme IFRS 18 s’intitule : « Présentation et information à fournir dans les états financiers ». Il convient ici de rappeler les principaux changements intervenus au cours de ces dernières années, d’une part avec la révision de la norme IAS 8 et de l’autre, les amendements en place.
La norme IAS 8
La norme IAS 8 « Basis of Preparation of Financial Statements » se nomme « Cadre fondamental des états financiers » en français. En réalité, cette norme révisée en 2024 définit les principes essentiels pour structurer les états financiers en contexte IFRS. Aussi, son objectif est de :
- fixer les règles de base (basis of preparation)
- et gérer les ajustements (politiques, estimations, erreurs).
C’est pourquoi elle intègre 4 concepts fondamentaux initialement couverts par la norme IAS 1, à savoir :
- Présentation fidèle (fair presentation) : Nécessité de refléter une image véridique ; dérogations interdites.
- Continuité d’exploitation (going concern) : Évaluation de la capacité à poursuivre ses activités ≥ 12 mois.
- Comptabilité d’engagement (accrual basis) : Enregistrement des flux économiques (vs. trésorerie).
- Sélection des méthodes comptables : Déclaration des méthodes retenues et des changements significatifs.
En substance, la révision de la norme IAS 8 en 2024 renforce sa centralité face à la norme IFRS 18. Désormais, il existe une cohérence entre le fond (IAS 8) et la forme (IFRS 18).
Par exemple, une entreprise corrige rétroactivement une erreur de provision (IAS 8). Toutefois, elle va appliquer la nouvelle présentation du compte de résultat (IFRS 18). En conséquence, l’IAS 8 pilote la correction et l’IFRS 18 la présentation.
Les amendements
Or, en parallèle, l’IASB a procédé à de nombreux amendements en vue de clarifier la présentation des états financiers, à savoir :
- la norme IAS 7 : Statement of cashflows : Divulgation sur le financement des fournisseurs, pour harmoniser la présentation des flux de trésorerie
- l’IFRS 7 : Financial Instruments : Disclosure : pour plus de transparence sur les instruments financiers (notamment ESG), décomptabilisation des passifs financiers, divulgation des instruments financiers en juste valeur (OCI)
- IAS 34 : Interim Financial Reporting : Alignement des rapports intermédiaires sur la nouvelle structure du compte de résultat.
Aussi, ces amendements de l’IASB illustrent une démarche continue en vue de renforcer la transparence tout en s’adaptant aux innovations (numérique, ESG). Or, leur mise en œuvre conjointe avec la norme IFRS 18 d’ici 2027 doivent conduire les entreprises à anticiper :
- d’une part, la révision du processus de collecte de données (cartographie des financements fournisseurs, clauses contingentes ESG dans les contrats)
- de l’autre, une mise à jour nécessaire des systèmes informatiques pour adapter les modules de trésorerie.
De ce fait, un effort de formation s’avère nécessaire pour que les équipes comptables et financières soient opérationnelles. Enfin, par ailleurs, le nouveau résultat opérationnel aura un impact sur le calcul des KPIs.
Différences fondamentales entre la norme IAS 1 et la norme IFRS 18
Cette réforme transforme profondément les états financiers. En effet, l’IAS1, standard historique, avec une révision en 2007, encadre la présentation générale des états financiers. Cependant, cette norme n’impose pas de structure rigide pour le compte de résultat. Or, la norme IFRS 18, effective pour les exercices ouverts à partir du 1er janvier 2027 répond aux critiques des investisseurs sur le manque de comparabilité et de transparence, y compris « le résultat opérationnel ».
A vrai dire, la norme IFRS 18 introduit deux différences fondamentales :
La restructuration du compte de résultat
D’une part, il existe désormais deux sous-totaux :
- le résultat opérationnel (exploitation)
- le résultat avant financement et impôts (exploitation + investissement)
Ainsi, le résultat opérationnel constitue un indicateur clé de la performance opérationnelle. La norme facilite la comparaison entre entreprises car cet indicateur est calculé sur des règles uniformes. Cela n’était pas le cas dans la norme IAS 1.
Quant au résultat avant financement et impôts, ce sous-total permet de comparer la performance économique des entreprises, indépendamment du mode de financement ou de la politique d’endettement. Il offre ainsi une vision claire de la rentabilité avant prise en compte de la structure financière et de la fiscalité.
Par ailleurs, la norme IFRS 18 introduit des règles sectorielles spécifiques. Ainsi, les banques ou entités dont l’activité principale est le financement, classent désormais les revenus financiers en « exploitation » et non en « investissement ». A ce titre, la norme IFRS 18 prévoit des guides d’application pour les secteurs spécifiques afin d’assurer une cohérence sectorielle.
D’autre part, la norme IFRS 18 introduit 3 catégories pour classer les charges et les produits :
- Opérationnel : cette catégorie concerne les activités principales de l’entreprise comme la vente
- Investissement : tout ce qui n’est pas lié à l’activité principale, comme par exemple, les dividendes d’actions, cession d’immobilisations
- Financement : tout ce qui touche aux coûts liés aux capitaux comme les intérêts de la dette.
Structure du compte de résultat
De plus, la structure du compte de résultat comprend 5 catégories obligatoires, à savoir :
- Exploitation (Operating) : pour toutes les activités principales non classées ailleurs.
La norme permet de calculer le sous-total obligatoire : le résultat opérationnel (Operating profit/loss). C’est un indicateur clé de la performance de l’entreprise.
Dans cette catégorie, on y trouve les ventes, les dépenses de R&D, les loyers, les salaires. Par contre, attention ! Les dépenses d’intérêts sur crédit-bail sont classées en financement. En revanche, les revenus financiers liés au cœur du métier dans le secteur bancassurance restent en exploitation.
- Investissement (Investing) : cette catégorie inclut les revenus et les charges d’actifs générant des rendements indépendants de l’activité principale.
Dans cette rubrique, on y trouve notamment les dividendes d’actions, les gains de cession d’immobilisations, les revenus de filiales non consolidés. Il existe aussi un cas particulier celui des fonds d’investissement. Dans ce cas, tous les revenus de placement sont en exploitation car c’est le cœur de métier.
- Financement (Financing) : cette catégorie comprend les coûts et les recettes des sources de capitaux (dettes, capitaux propres).
On y trouve les intérêts sur la dette, les coûts d’émission d’actions, les rachats d’actions. Donc, désormais, on distingue les dettes financières à proprement dit qui se trouvent dans cette rubrique. Les autres passifs comme les dettes fournisseurs sont en exploitation.
- Impôts sur le résultat (Income Taxes) : regroupe toutes les charges fiscales (IAS 12) et des différences de change liées.
Cette rubrique se trouve après le sous-total « Résultat avant financement et impôts ».
- Activités abandonnées (Discontinued Operations)
Cette catégorie inclut le résultat net des entités et activités vendues ou classées « à vendre ».
Ainsi, la norme IFRS 18 impose cinq catégories principales. Toutefois, la présentation par fonction ou par nature reste possible, mais avec des exigences accrues de ventilation et de transparence.
La norme IFRS 18 et de nouvelles exigences en matière de transparence
En fait, la norme IFRS 18 introduit : « les mesures de performance managériales » (MPM). Ce sont des indicateurs financiers non définis par les IFRS et utilisés par les dirigeants. Leur objectif est de présenter la performance financière de leur organisation. Il peut être question de l’EBITDA ajusté ou encore du résultat récurrent. A vrai dire, la norme IFRS 18 encadre strictement leur divulgation en vue de limiter les abus et d’améliorer la comparabilité.
Définition
Effectivement, une MPM est une mesure financière incluse dans les communications externes (ex : rapports annuels, présentations aux investisseurs) et qui :
- n’est pas définie par les IFRS
- est utilisée par la direction pour évaluer la performance
Les exemples communément utilisés sont l’EBITDA ajusté, le résultat d’exploitation courant ou encore le cash-flow opérationnel avant fonds de roulement.
Les nouvelles règles de la norme IFRS 18
Les MPM doivent être obligatoirement présentées dans une note annexe unique aux états financiers. Aussi, pour chaque MPM utilisée, l’obligation d’information est triple :
- émettre une définition précise : i.e. sa formule de calcul
- justifier sa présence : la direction doit pouvoir expliquer pourquoi cette mesure est pertinente pour appréhender la performance de l’entité.
- faire référence à la norme IFRS 18 au sens où le lecteur des états financiers doit pouvoir voir le lien entre le MPM et le sous-total IFRS le plus proche.
Exemples
Par exemple, l’EBITDA ajusté correspond à l’EBITDA auquel on exclut les restructurations. Pour la norme IFRS 18, le sous-total le plus proche est le résultat opérationnel. Prenons le cas d’une organisation qui présente un EBITDA ajusté de 50 M€ excluant des coûts de restructuration de 5 M€. Dans l’annexe, l’entreprise mentionne que l’EBITDA ajusté est de 45 M€ avec des dotations d’un montant de 10 M€ auxquelles se soustraient des restructurations de 5 M€. Il ne constitue pas un substitut au résultat opérationnel IFRS.
De même, le bénéfice récurrent n’est autre que le résultat net hors éléments non récurrents. Ce MPM doit pouvoir se réconcilier avec le résultat avant impôts dans la norme IFRS 18.
Portée de la norme IFRS 18
Cette norme impose des exigences de transparence et de documentation. Elle permet de vérifier que les mesures passées sont recalculables et cohérentes. Elle renforce aussi la gouvernance notamment avec une implication accrue des comités d’audit mieux à même de vérifier les définitions. De plus, on comprend mieux le choix des ajustements (pourquoi exclure dans le calcul tel ou tel poste ?).
Pour les investisseurs, cette norme permet de mieux comparer les organisations. Ainsi, désormais, un Ebitda a une même base sectorielle.
Pour aller plus loin, des plateformes spécialisées comme Finthesis fournissent des comparatifs sectoriels personnalisés en plus de proposer des analyses sur les ratios financiers clés (EBITDA, marge brute, BFR, etc.).
On peut aussi se référer à des indices sectoriels officiels comme l’Euronext ou le NYSE. Il est aussi possible de s’appuyer sur les publications des cabinets d’audit pour obtenir des benchmarks fiables et actualisés pour les sociétés cotées.
Recommandations pour une meilleure organisation des informations
La norme IFRS 18 introduit un processus clé pour améliorer la clarté et l’utilité des états financiers. Il s’agit des notions d’agrégation et de désagrégation.
Présentation
En effet, l’introduction de ces principes a pour objectif d’éviter une surcharge d’informations trop agrégées dans des postes tels que « autres charges ». Et en parallèle, au contraire, la norme vise aussi à éviter une désagrégation trop poussée qui pourrait noyer l’information.
Aussi, il s’agit de trouver le juste milieu par la mise en place d’une méthode concise. Celle-ci consiste à effectuer un regroupement par caractéristiques communes, en l’occurrence :
- la nature (ex : loyers, amortissements)
- la fonction (ex : coûts de production vs coûts de distribution)
- la sensibilité aux risques (ex : actifs exposés au taux d’intérêt)
Application aux états financiers
Aussi, concrètement, concernant le bilan, les actifs et passifs financiers sont séparés sur la base de l’évaluation (coût amorti vs juste valeur). Par contre, pour le compte de résultat, la norme IFRS 18 établit que si un poste dépasse 5% du montant total des charges ou des produits, alors, il doit faire l’objet d’une ventilation détaillée.
Enfin, les notes annexes doivent fournir une ventilation par nature si le compte de résultat présente les charges par fonction. Par exemple, si le coût des ventes est affiché par fonction, alors les notes détaillent les sous-composantes (matières premières, salaires, amortissements).
Intérêt
En conséquence, ce degré de granularité de l’information va dans le sens d’une plus grande transparence de l’information et d’une meilleure comparabilité des entreprises. De ce fait, cette norme permet d’affiner l’analyse de la performance.
L’année 2026 : Une étape charnière dans l’application effective de la norme IFRS 18
Enfin, dernier point sinon des moindres, concerne la mise en place de la norme IFRS 18.
Caractère rétrospectif
Effectivement, elle est obligatoire pour les exercices ouverts à compter du 01 janvier 2027. Or, son application est rétrospective. Ceci signifie que les états financiers comparatifs, donc, de 2026, doivent être repréparés intégralement selon la norme IFRS 18. Aussi, les données financières de l’année 2026, du 1er janvier au 31 décembre, doivent être saisies dès l’origine en fonction de la ventilation (exploitation, investissement, financement).
Exemple concret
Une entreprise clôturant au 31/12/2027 devra présenter :
-
Son compte de résultat 2027 en IFRS 18,
-
Son compte de résultat 2026 retraité en IFRS 18,
-
Une réconciliation expliquant les écarts entre l’ancienne (IAS 1) et la nouvelle présentation
Impact sur l’organisation des entreprises
En conséquence, les entreprises devront collecter et organiser leurs données selon les principes d’IFRS 18 dès le 1er janvier 2026, afin de pouvoir établir les états financiers comparatifs pour 2027. Concrètement, cela implique la mise à jour :
- des systèmes d’information (ex : plan des comptes, ajout d’une segmentation analytique si besoin est)
- des processus de classification et de présentation des données,
- ainsi que la documentation des reclassements effectués pour 2026
Conséquences
Pour l’année 2026, les organisations devront présenter les états financiers en norme IAS 1 et en norme IFRS 18 pour établir les comparatifs. En fait, cette norme va bien au-delà d’un simple changement comptable. Les organisations vont devoir aussi revoir leur système d’information ce qui implique l’adoption d’une approche proactive dès cette année.
Conclusion
En définitive, la norme IFRS 18 procède à une refonte de la norme précédente (IAS 1) avec pour objectif d’améliorer la comparabilité entre organisations et secteurs d’activité. C’est pourquoi le compte de résultat a fait l’objet d’un profond remaniement avec désormais 5 catégories (exploitation, investissement, financement, impôts, activités abandonnées).
D’autre part, la norme IFRS 18 transforme les MPM, auparavant simples outils marketing en indicateurs audités et comparables. Elle procède également à une articulation avec d’autres normes, y compris, l’IAS 8 révisée, l’IAS 7/IFRS 7 (flux de trésorerie) et l’IAS 34 (rapports intermédiaires).
Enfin, l’IFRS 18 vise à structurer l’information financière. Aussi, celle-ci est à la fois synthétique et suffisamment détaillée, grâce à une application rigoureuse des principes d’agrégation et de désagrégation.
Finalement, cette norme constitue une transformation majeure dans l’élaboration du reporting financier. En effet, elle touche à la fois à la présentation et à la communication de la performance financière des organisations.
Aussi, dès à présent, ces dernières doivent cartographier le plan des comptes et tous les reclassements nécessaires en plus d’auditer les MPM existantes. Cela va donc passer par la formation des équipes pour être fin prêt pour les exercices ouverts au 01 janvier 2027. En conséquence, la norme IFRS 18 redéfinit les règles du jeu comptable au profit des investisseurs et des marchés financiers.